And this is the paper that Madeleine wrote:
Le Flâneur: L'Homme de la FouleAvec la montée de la modernité dans les grandes villes et avec la création d'un espace publique, on voit aussi l'ascension de la figure du flâneur, le promeneur qui se laisse « [s'égarer et se perdre] en train de marcher » (Mercier, 41). Une des choses qui permet au flâneur d'exister est l'existence de la foule. La foule, plus qu'une masse de gens qui se bousculent, devient le lieu de la création, de l'imagination, et du projet du flâneur. Elle donne la possibilité de créer un esprit qui est tout à fait dans et à part de la foule. Les œuvres de Louis-Sébastien Mercier, Charles Baudelaire, Walter Benjamin, et Sophie Calle tous discutent de la relation entre la foule et le flâneur, et comment la foule est celle qui crée le flâneur, mais aussi celle qu'il essaie d'échapper pour gagner une perspective unique de la ville.
On trouve notre flâneur sur la scène d'une ville et une vie qui est en train de changer complètement. Normalement, quand on pense à la modernité, on pense aux résultats tangibles: les avancements de la technologie et de la science, la création d'une ville raisonnable et alignée, et les améliorations de la vie et des conditions de la santé urbaines. Ces circonstances donnent à la ville moderne une logique et une nouveauté, mais bouleversent aussi le caractère des gens « modernes » qui sont frappés par ces changements. Les gens modernes et urbains, comme beaucoup ont suggéré, sont vraiment distincts des autres: ils pensent d'une manière différente, il n'y a rien qui les choquent, et ils ont une dureté vers la vie de la ville. Mais comment est-ce que la ville crée et influence cette figure du flâneur? Quelles sont les spécificités d'une ville, comme Paris, qui nous donnent la possibilité de flâner?
Une des choses les plus importantes à propos du flâneur est la présence de la foule, une condition inévitable de la modernité à Paris. La foule est celle qui nous emporte, «qui nous traine / Nous entraine écrasés l'un contre l'autre / Nous ne formons qu'un seul corps, » comme Édith Piaf chante dans sa chanson, « La Foule ». Même les résidents et les visiteurs à Paris contemporaine ne peuvent que remarquer cette même foule, formée de tous « les individus qui fourmillent dans cette immense capitale » (Mercier, 29). La foule, quelque chose d'inévitable dans toutes les grandes villes modernes, nous présent avec deux choix: la possibilité d'être un inconnu de la masse (mais pas dans le sens que Marx discute) et de se laisser tomber dans une existence mécanique, ou de se distinguer de la foule. Les critiques de la modernité parlent souvent de l'aspect homogène de la modernité: on perd les distinctions entre les classes sociales; la moralité n'existe plus; tout le monde est le même; et tout le monde se laisse tomber dans une vie mécanique et banale, ils disent. Et, dans certaines circonstances, ils ont raison.
Il y a, néanmoins, un aspect de la foule qui, loin de nous enchaine, peut nous libérer—si on le permet. Dans son œuvre, « The Metropolis and Mental Life », l'anthropologue Georg Simmel parle de cet aspect fortifiant et bénéfice de la foule dans son discours sur la ville moderne:
The metropolis creates these psychological conditions—with every crossing of the street, with the tempo and multiplicity of economic, occupational and social life—it creates in the sensory foundations of mental life, and in the degree of awareness necessitated by our organization as creatures dependent on differences, a deep contrast with the slower, more habitual, more smoothly flowing rhythm of the sensory-mental phase of small town and rural existence. (Simmel, 1).
Donc, la vie de la ville est unique de celle de la campagne parce qu'elle crée de véritables individus. Bien sûr, il existe des individus à la campagne ou dans les petits villages, mais Simmel propose que la présence continuelle des stimuli violents qui nous frappent continuellement, le manque d'espace entre les gens de la foule, et le changement continuel produisent des individus qui peuvent trouver la solitude et le calme dans la foule. « The resistance of the individual to being levelled [and] swallowed up in the social-technological mechanism », Simmel dit, c'est ce qui définit la ville moderne (Simmel, 1). La nécessité de survivre dans un espace qui peut facilement devenir affreux crée la dureté dont on a parlé avant, mais aussi l'indifférence et l'anonymat. C'est avec ceux-ci que le flâneur se distingue des autres personnes de la foule.
Le flâneur n'est qu'une personne dans la foule, même s'il n'en a pas l'air. Une caractéristique intéressante du flâneur est sa capacité d'être, au même instant, un de la foule et à part de la foule. Qu'est-ce qu'on veut dire? Le but du flâneur—d'observer, de critiquer, et de peindre un tableau d'un instant de la ville moderne—nécessite qu'il soit une partie de la foule. Il faut qu'il soit dans la rue, avec les autres, pour gagner une vraie expérience. Mais, en même temps, il faut se distinguer de la foule, et de ne pas se laisser tomber dans l'homogénéité. Il faut chercher sans apparaître chercheur; il faut regarder sans être vu comme voyeur; et il faut critiquer sans avoir de préjugés.
Louis-Sébastien Mercier, dans son œuvre Tableau de Paris, parle du projet du flâneur. Le flâneur, chez Mercier, essaie de peintre un tableau d'un instant à la ville. Il sait que la ville est toujours en train de changer de plus en plus vite, donc le projet du flâneur est d'observer et d'inscrire à la fois le coup d'œil général et les regards plus précis. Mercier, dans son projet presque encyclopédique, sait que le travail est impossible, mais il sait aussi que c'est nécessaire. Comment est-ce que le flâneur fait son projet? La ville pour Mercier est comme le théâtre où « tous les acteurs qui jouent le rôle sur ce grand et mobile théâtre, vous forcent a devenir acteur vous-même » (Mercier, 29). Pour Mercier, la foule et l'espace publique sont un spectacle plein des contradictions comme « des Esquimaux qui ignorent le temps ou ils vivent; des Nègres qui ne sont pas noirs; et des Quakers qui portent l'épée » (Mercier, 29). Le flâneur, il dit, regarde la ville comme un spectacle, observé par un seul observateur, mais il joue aussi un rôle. Ce théâtre de la ville parle d'un instant que le flâneur partage. Il est très important, chez Mercier, que le flâneur regarde, voit, et parle avec la ville pour nous donner un « coup d'œil » de Paris (Mercier, 29). Il parle de l'importance de la présence du « je », parce qu'il n'y a qu'un sujet qui voit. L'absence d'universel souligne cette personne qui doit observer la ville et voyager dans la foule.
Il utilise deux métaphores intéressantes pour décrire la ville: il parle de la ville comme creuset et comme corps humain. Les deux soulignent comment Mercier veut approcher la question de la foule. Paris, bizarre et comme un cirque, nous présente avec « un large creuset, où les viandes, les fruits, les huiles, les vins, le poivre, la cannelle, le sucre, le café, les productions les plus lointaines viennent se mélanger et les estomacs sont les fourneaux qui décomposent ces ingrédients » (Mercier, 30). La ville comme creuset parle de la foule comme un lieu incompréhensible, mais aussi comme quelque chose qu'on doit examiner. On a le potager, mais on a aussi tous les ingrédients qui le forment. Il faut savourer le goût de la ville en entier, mais il faut aussi goûter chaque élément, chaque rue, et chaque type. Mercier parle aussi de la ville comme corps humain—sauvage, simple, et naturel (Mercier, 28). Une promenade à Paris ressemble à la circulation du sang; on passe d'une chose à une autre très facilement. Ici, Mercier souligne encore l'importance de regarder le corps entier, mais de regarder avec plus de soin, les petits éléments qui composent cette immense ville.
La promenade dans la foule pour Mercier est le spectacle, mais elle est aussi l'endroit où on trouve la vraie moralité de la ville. C'est où les sens sont interrogés et où on peut parler vraiment avec la ville. Le projet esthétique de Mercier, de peindre un tableau de Paris, est impossible, mais nécessaire. Il résiste un peu la totalité et il choisit d'être dans les rues, à côté des gens, parce que c'est là où on trouve la moralité de la ville. Dans cette foule, l'aspect anthropologique du flâneur peut avoir lieu. La foule donne au flâneur la possibilité de se perdre et d'être inconnu. L'anonymat du flâner permet au flâneur de goûter la ville, et d'exister dans une relation dynamique. Qu'est ce que ça signifie, aller à pied? Aller à pied « sera bientôt une chose ignoble. Tous les hommes de génie dans tous les genres vont néanmoins à pied. Il y a d'esprit dans les voitures, mais le génie est à pied » (Mercier, 255). Flâner chez Mercier c'est se laisser perdre dans la foule, se promener dans tout anonymat, et se laisser faire interroger par la ville. Donc, la foule rend le projet du flâneur possible. La foule est la scène du drame humain, et le Paris qu'on trouve dans les rues est où on trouve l'esprit vrai d'une époque.
D'une manière similaire, Charles Baudelaire parle des aspects bénéficiaux de la foule. Dans Le Spleen de Paris, il examine la relation entre l'individu et la foule, où il demande comment on peut utiliser la foule comme lieu créatif. Chez Baudelaire, flâner c'est utiliser l'aliénation que la foule nous donne pour créer. Différent de Mercier, Baudelaire parle des sacrifices qu'on doit faire pour la création esthétique. La ville de Paris est souvent affreuse comme on voit dans « Une Heure du Matin », quand le poète parle de cette « Horrible vie! [Et] horrible ville! » (Baudelaire, 122). Aller dans la foule et aller dans la ville pour un artiste devient un sacrifice du soi à une « ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, a l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe » (Baudelaire, 128). Donc, qu'est-ce que le flâneur fait? Son but est d'aller dans la foule, de trouver les fragments dans un monde qui n'est pas tout intéressant. La vie et la ville moderne sont une image de la fragmentation de la modernité. Dans cette instance, le travail du flâneur est de rendre intelligible les fragments d'un monde haché.
La foule chez Baudelaire est à la fois quelque chose du mal et du bien: elle est effrayante, instable, et bourgeoise, mais elle permet aussi une « universelle communion » qui est quelque chose pour la multitude, mais qui est bon pour très peu de gens (Baudelaire, 127). Du côté du mal, la vie moderne est une de conformité et d'oppression. Baudelaire, dans « A Une Heure du matin » parle du sacrifice nécessaire pour être artiste: la vie quotidienne de la modernité est, comme suggère le philosophe Michel Foucault, de conformer à la société bourgeoise, d'être un de la foule mais dans le sens de la homogénéité. Souvent, les conditions de la vie moderne créent le désir de la solitude, et de tourner la clef pour augmenter et fortifier « les barricades qui [nous] séparent actuellement du monde » (Baudelaire, 122). Donc, ici, la foule est angoissante, quelque chose qui provoque un désir fort de s'enfermer à clef et de se cacher des horreurs de la ville.
De l'autre côté, le côté du bien, on voit le projet de l'artiste. Pour l'artiste, ou bien le poète, « prendre un bain de multitude » est un « incomparable privilège » (Baudelaire, 127). Pour ceux qui savent exister dans la foule, elle leur donne « Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond » (Baudelaire, 127). Ici, on voit un compromis—le poète voyage dans la foule, se laisse perdre, et sacrifie le soi pour son projet esthétique et intellectuel. La foule, qui nous encercle des gens, est aussi un des lieux les plus libres, car la foule donne la possibilité d'être seul et d'être inconnu. « Jouir de la foule est un art, » dit Baudelaire; le hasard, le sens d'inconnu, et le manque de stabilité te rendent libre d'être connu, et te donnent la capacité de te changer. Guidé par la passion presque fanatique, le flâneur utilise la solitude de la foule comme un pouvoir intellectuel. La foule est le lieu de travestissement avec son propre langage, où chaque mot a un masque. L'artiste n'est pas aliéné parce qu'il utilise l'aliénation pour créer son propre monde. Entouré de gens, il peut devenir tous les gens de la foule, avoir la capacité de réorganiser les fragments, et de faire des masques du quotidien pour créer quelque chose d'artistique. Le flâneur chez Baudelaire est l'homme qui vit de la foule, et ses poèmes deviennent les objets qu'il a trouvé dans ses voyages. Donc, la foule nous donne la capacité d'être un tabula rasa, de se masquer, et de se former pour le projet esthétique.
Pendant que Mercier et Baudelaire parlent des aspects bénéficiaux et pratiques de la foule pour le travail intellectuel, il y a d'autres qui ont une relation plus négative avec la foule, mais qui réalisent au même temps qu'ils doivent l'utiliser pour le projet esthétique. Par exemple, Paris, Capitale du XIXeme siècle de Walter Benjamin parle aussi de la relation entre le flâneur et la foule, mais du côté des aspects négatifs de la foule. On a deux types de foules dans la modernité: on a la foule des objets du passée et du présent, et on a la confusion entre les classes sociales traditionnelles. Le premier est une condition d'une modernité qui n'existe pas en actualité. Le problème chez Benjamin est que le présent n'est pas quelque chose de moderne, mais un mélange entre le passée et le présent, qui ne réussit pas à se distinguer vraiment. La modernité n'existe pas; c'est un mélange d'objets pris du passée, dont on dit on a laissé tomber, mais qui nous enchainent tout de même. Paris, l'exemple parfait de la ville moderne et fantasmagorique, est une allégorie où on peut voir les créations qui peuvent faire rêver. Cette « foule d'objets » crée une fantasmagorie, où on prend les fragments du passée pour fabriquer le présent (Benjamin, C.II.). Donc, on reste dans un piège entre le rêve et la réalité. « Le nouveau » dit Benjamin, « est une qualité indépendante d'usage de la marchandise. Il est a l'origine de cette illusion dont la modernité est l'infatigable pourvoyeuse » (Benjamin, D.III.). On désire toujours le nouveau, mais la nouveauté est une illusion.
On a aussi la confusion que ces conditions de la modernité créent. La modernité est se caractérise par les lieux publiques où on trouve la fantasmagorie: les espaces des nouveautés, comme les passages, les Grands Magasins, et l'Haussmannisation. L'espace publique n'est plus pour la politique ni pour les riches de se promener, mais l'espace pour s'amuser et pour le capitalisme. Il n'y a pas de valeur à part la valeur d'échange. « 'L'Europe s'est déplacée pour voir les marchandises' » aux «expositions universelles [qui] idéalisent la valeur d'échange des marchandises » (Benjamin, B.I). On n'a plus une foule de pauvres, de bourgeois, et de riches, mais une foule mélangée—comme la ville elle-même— où on n'est pas sûr des classements traditionnels, des valeurs, ou des choses véritables. La foule est un voile fin sur la masse qui peut devenir dangereuse très facilement. Tout ces éléments du nouveau Paris créent un rêve de la modernité, où on a une confusion profonde entre l'espace publique et privé, la foule et la masse, les choses vraies et les choses de rêve.
Alors, qu'est-ce que le travail du flâneur? Le flâneur doit trouver sa place dans la foule. Dans son étude, Benjamin parle aussi du flâneur chez Baudelaire. Les deux, il suggère, sont les esclaves de la « sainte prostitution » d'aller dans la foule (Baudelaire, 128). Le flâneur, Benjamin dit, vit d'une profonde aliénation qui est au centre de la modernité:
Le regard que le génie allégorique plonge dans la ville trahit bien plutôt le sentiment d'une profonde aliénation. C'est la le regard d'un flâneur, dont le genre de vie dissimule derrière un mirage bienfaisant la détresse des habitants futurs de nos métropoles. Le flâneur cherche un refuge dans la foule. La foule est le voile à travers lequel la ville familière se meut pour le flâneur en fantasmagorie. (Benjamin, D.I.).
Donc, « le flâneur fait figure d'éclaireur sur la marche...il est l'explorateur de la foule » (Benjamin, D.II.). C'est lui qui sait comment naviguer la foule, mais il est aussi emprisonné par la confusion de la modernité, où on oublie tout et se laisse dans le rêve. Le flâneur cherche toujours le nouveau; c'est pour cela qu'il va dans la foule, dans les passages, et dans tous les nouvelles espaces de la ville moderne. La foule, pour lui, est merveilleuse et dangereuse—c'est ce qui l'amuse et ce qui va le détruire. Comme le flâneur de Baudelaire, ceux de Benjamin prenne aussi les fragments d'une vie hachée, mais son but n'est pas la création esthétique, mais la nouveauté. Dans cette instance, les fragments et les objets prennent une certaine vie, et commencent à lui parler. Il est tout à fait fasciné et ennuyé par les choses qu'il trouve dans ses voyages dans la foule. C'est à cause de cela que « le dernier voyage du flâneur [est] la Mort. Son but [est] le Nouveau » (Benjamin, D.III.). Le flâneur « s'abandonne aux fantasmagories du marché » (Benjamin, Introduction), et enfin se détruit en cherchant le nouveau qui n'existe pas.
Sophie Calle, comme Benjamin, voit la foule comme quelque chose de suspect et de dangereux. Mais au contraire de Benjamin, elle sait comment utiliser la foule et les objets qu'elle trouve pour faire son projet esthétique. Des histoires vraies de Calle nous présentent avec les objets—dans ce cas, les photographies qui sont accompagnées par de petits textes—trouvés dans la foule. Le flâneur chez Sophie Calle est quelqu'un qui prend les objets qu'il trouve dans la multitude de la foule, et qui se l'approprie. Dans Des histoires vraies, on voit les objets simples et sans signification: une chaussure rouge, un nez, un dessein, une cravate, un peignoir, une tasse, etc. Mais, dans les yeux de la flâneuse (i.e. Calle), les objets prennent leur propre vie. On apprend que le nez était une imperfection qu'elle a fait corriger par un chirurgien; le peignoir lui a fait penser à son premier amant qui « portait le même peignoir que [son] père » (Calle, 15); le dessein d'elle, quand elle posait nue, était lacérée par l'artiste, coupant son corps dans des « morceaux de [soi]-meme » (Calle, 21). Chaque photographie cache une histoire d'ellei qui est chargée d'émotion, de douleur, et de souvenirs. Le but de la flâneuse ici est de capturer les moments ou les émotions spécifiques avec la photographie. Comme chez Mercier, la flâneuse essaie de faire des tableaux d'un moment pour le préserver.
La forme du projet est très importante à propos du but de la flâneuse, parce que les photographies imitent la promenade de la flâneuse. Être flâneuse, il faut se promener dans la foule, de prendre les objets qui font partie de sa vie, et de les préserver. Les photographies reproduisent le moment quand la flâneuse a vu l'objet ou quand elle a senti une émotion particulière. Elles permettent une reproduction exacte qu'on peut reproduire. Mais différent des autres flâneurs, son œuvre est une vraie conversation entre Calle et elle-même, et Calle et nous. Quand on voit les photographies et quand on lit son œuvre, c'est comme si on se promenait avec elle. La photographie lui permet de converser avec elle-même et le lecteur d'une unique manière. Chaque fois qu'on voit l'image, on la voit différemment, et son interprétation colore la nôtre. Son utilisation de la couleur rouge pour certaines photographies est une autre manière d'encourager la conversation entre la flâneuse et le lecteur; il faut qu'on soit des lecteurs actifs, et il faut nous interroger pour trouver la signification de chaque objet.
Qu'est-ce que la foule fait chez Calle? La foule représente l'homogénéité, la simplicité, et les mœurs traditionnelles et bourgeoises. C'est cela qu'elle rejette. Elle prend les objets du quotidien et qui sont typiques comme la tasse, la robe de mariage, ou les photographies du mariage, et se les approprient. Dans « Noces de rêve », Calle prend la photographie du mariage et de son mariage et les bouleverse. Le mariage typique en France a lieu à la mairie, la mariée porte le robe blanche, la famille vient pour célébrer, et le mari et sa femme passent leur noces. Ici, on a une mariée qui porte le rouge, qui est toute seule, à l'aéroport, sans mari et sans famille. Rien ne marche dans le sens traditionnel, mais Calle nous présente avec cet objet qu'elle prend du quotidien et qu'elle refait dans son projet esthétique. Semblablement, dans « Chambre avec vue » Calle prend la chambre à coucher, un lieu privé, la place au sommet de la Tour Eiffel, et passe une nuit visitée par des inconnus. Calle utilise la foule pour la base du projet, mais sa flânerie la rend insuffisante. Elle doit créer sa propre histoire de la multitude.
Une des choses les plus importantes pour le flâneur est l'existence de la foule. La foule est le lieu où on trouve les objets, les engage dans la conversation, et les approprie pour le projet esthétique. Flâner dans la foule c'est se laisser perdre et de se sacrifier pour le projet intellectuel. Les œuvres de Louis-Sébastien Mercier, Charles Baudelaire, Walter Benjamin, et Sophie Calle tous discutent comment le flâneur doit naviguer la foule, mais aussi comment rester soi-même pour gagner une perspective unique de la ville.